Arbres vénérables

L’amour, dans son usage courant, désigne un sentiment d’amitié (philia, φιλία) associé à la sexualité (eros, ἔρως). Deux millénaires de christianisme ont condamné l’eros, incapables d’assumer leur nature sexuelle, de nombreux couples s’unissent pour le sexe avec une amitié illusoire, d’où ruptures et souffrances. Ceux qui s’unissent juste pour le sexe ne souffrent pas de l’au-revoir. Quant à ceux qui nouent une amitié profonde avant d’avoir des relations sexuelles, une relation durable leur est promise.

En cette Saint Valentin, je souhaite exprimer une ode à la fidélité. Prenons exemple sur les arbres vénérables, qui étendent leurs branches vers le ciel, et poussent leurs racines dans les profondeurs de la terre, à la recherche de l’éternité. Laissez-moi vous présenter quelques uns d’entre eux, sur fond de longévité et de profondeur romantique.

A ces arbres vénérables ont été décerné le label « Arbre remarquable de France » par l’association A.R.B.R.E.S., Arbres Remarquables, Bilan, Recherche, Etudes et Sauvegarde.

Châtaignier millénaire de Levie, en Corse du Sud

Hêtre pleureur de Bayeux, Calvados

If millénaire d’Estry, Calvados

Chêne de Tronjoly, Côtes d’Armor

Soyez fidèles.

L’arbre de la science

En quoi consiste le travail scientifique ? Il y a deux phases. Tout d’abord, on s’abreuve d’expériences et on en tire des vérités générales. Ensuite, on s’en sert pour mettre au point des applications utiles, en d’autres termes, de la technologie.

J’avais déjà mis au point un schéma pour ce travail de la science. Aujourd’hui, je vous propose la même chose, de façon plus complète, avec la métaphore d’un arbre.

(Rassurez-vous, vous aurez droit à un schéma plus artistique quand j’aurai mis au point l’image que je souhaite vraiment.)

L’arbre puise le savoir dans le sol, il monte et peut finir par donner des fruits.

Les racines, c’est le travail de construction du savoir. Il faut faire preuve de raison, sinon on tombe dans le piège de l’illusion. Un certain nombre de règles (doute constructif, non-conformisme, rasoir d’Ockham…) permettent d’éviter de se planter. Elles constituent l’esprit scientifique. J’invite les personnes désireuses d’acquérir cet esprit à visiter le site du Cortecs.
Les branches, c’est l’utilisation du savoir. On fait des déductions, on imagine des choses réalisables. Il faut faire preuve d’éthique, autrement on nuit à autrui comme avec les armes nucléaires. L’éthique est un domaine important, mais ce n’est pas ce dont je veux vous parler ici.

Imprégnez-vous du schéma de l’arbre. Vous y êtes ? On va filer la métaphore avec des correspondances 🙂 .

sol : réalité concrète
extrémité de racine : capteur sensoriel (oeil, oreille, nez…)
tronc : vérité générale dont on va se servir
fruit : technologie
affirmation : noeud de racines ou de branches
vérité : quand c’est bien irrigué
fausseté : quand un noeud se prend pour une extrémité de racine
non-sens : quand le fluide passe alors qu’il devrait être bloqué
ignorance : absence d’irrigation
branche : sensorialité potentielle
chercheurs : travaillent sur les racines
ingénieurs : travaillent sur les branches
ouvriers : produisent les fruits
recherche appliquée : pour obtenir des fruits
recherche fondamentale : pour obtenir un tronc prolifique en fruits

Et un peu de métaphysique.

terre tout entière : réalité existentielle, toutes les interactions
tronc universel (irrigué par la terre tout entière) : réalité idéale, loi de tout ce qui existe

Pour illustrer cette métaphore, prenons l’exemple de la guitare.

Mettons que pendant la préhistoire, un type s’amuse à tendre une corde, tenue à ses extrémités par un système de blocage. La personne gratte la corde. Résultat : ça vibre et ça fait du son. La personne gratte une deuxième fois, une troisième… une dixième… Même résultat. On généralise : quand on gratte cette corde, elle vibre et elle fait du son. Mettons que cette personne répète l’expérience avec des cordes faites d’autres matériaux, possédant des épaisseurs différentes, et à chaque fois le même résultat. On généralise : quand on gratte une corde tendue, elle vibre et fait du son.
Mettons que sa meuf adore la musique et rêve d’instruments qui n’existent pas. Naturellement elle va chercher à transformer ce phénomène en instrument. On met plusieurs cordes d’épaisseurs différentes pour gagner en variabilité, on rajoute une caisse de résonance pour que ça envoie du gros pâté, et ça fait une guitare !

Quel rapport avec l’arbre de la science ? Le sol c’est les phénomènes mécaniques des cordes, les extrémités des racines c’est les yeux et les oreilles du mec qui observe ça, le tronc c’est la connaissance générale de la vibration de la corde, et le fruit c’est la guitare ! 🙂

Pour avoir de beaux fruits, il faut avoir un bel arbre !